Avant même d’être fertile, je savais que ça serait compliqué. Une petite mutation, s’est glissée dans mon ADN. Rien qui ne m’affecte grandement, mais qui, sur toi, aurait pu être dramatique. Mais je ne te connaissais pas encore.
Pendant que les adolescents de mon âge ne pensaient qu’à leur nouveau coup de foudre, moi je méditais sur les problèmes d’éthiques de l’avortement et de la sélection de gènes. C’est malaisant, en même temps c’est tentant d’éradiquer une maladie. Mais je ne te connaissais pas encore.
Au début de ma jeune vie d’adulte je me sentais invincible. Il n’y aurait rien à mon épreuve. Après tout, cette mutation descend de mon père, le premier homme de ma vie. Comment décider de simplement jeter cette petite erreur de code. Mais je ne te connaissais pas encore.
J’avais plutôt décidé de ne rien décider. Je profitais pleinement de la vie, cochant mes rêves un à un. Cependant, même en fuyant à l’autre bout de la planète, la problématique me poursuivait. Je maudissais la science de me donner le pouvoir suprême de vie ou de non-vie. J’en ai conclu qu’il vaudrait mieux ne pas prendre de chance. Aucun enfant serait mieux que de devoir en rejeter un. La charge semblait trop lourde à porter. Je préférais avorter le projet de famille que de bâtir une famille brisée. Mais je ne te connaissais pas encore.
Éventuellement, le projet est revenu en force. Cette famille se construisait déjà depuis longtemps, à deux d’abord. Plus cette étape de ma vie approchait, plus je sentais la pointe de l’épée sur ma nuque. L’ambivalence a finalement fait place à l’épiphanie. Non. Je ne veux plus jamais de cette maladie dans ma vie. Mais je ne te connaissais pas encore.
Si la prise de décision est finalement libératrice, l’application réelle s’avère un tout autre défi. D’abord je n’ai incubé personne. Puis j’ai incubé une fille qui, comme moi, reste intouchable par cette mutation. Finalement toi, mais tu n’es pas venu seul. Tu savais probablement qu’on n’en sortirait pas intactes tous les deux. J’ai eu besoin de ta sœur pour supporter le supplice d’être un incubateur conditionnel.
Mais ce n’était pas toi! Je ne te connaissais pas encore.
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