– On Devient Maman Quand? –

Au départ, tout est flou. Il n’y a rien de maternel en moi.

Je ne sais quoi faire d’un bébé, je tolère à peine un enfant. En fait, j’aime juste ceux qui partagent mon sang. Je ne sais pas si je veux vraiment un enfant. Je ne sais pas quand je voudrai un enfant. Plus tard, un jour, quand j’aurai pleinement vécu peut-être, quand je serai rendue là.

Être rendue là, c’est accepter que l’Homme est tanné de vivre à l’étranger. C’est faire notre nid ensemble. Là, c’est revenir vivre à Montréal. C’est proche de nos familles. Là, c’est en français. C’est proche de Ste-Justine, où on connait ma génétique

Un jour, c’est décidé, j’enlève mon stérilet. La contraception c’est fini. On vit dans l’excitation de l’incertitude. Je me sens naïvement prête à accueillir ce que la vie décidera de m’envoyer, ou pas. Je pense que je suis indifférente face à mes menstruations mensuelles. Force est d’admettre que chaque mois, mes attentes grandissent. Est-ce que la divine essence maternelle m’envahit tranquillement? Je rêve de devenir maman…

Soudain, on peut dire rapidement, les jours s’étirent, le sang manque à l’appel. Je suis en randonnée d’une semaine, je suis malade comme un chien, j’ai juste hâte de revenir à la maison pour savoir ce que je ne sais pas encore. C’est le rite le plus féminin et maternel qui soit, faire pipi. Attendre 2 minute, être fébrile, en suspend, les papillons dans le ventre. Puis les deux petites lignes qui changent une vie. Je vais être maman…

Déjà je m’active, rendez-vous à l’hôpital, prise de sang, échographie, etc. Déjà je veux manger le mieux possible, prendre soin de moi, faire attention, incuber dans les meilleures conditions. J’ai la tête remplie de projets, de noms, d’espoir et de rêves. Déjà, mon corps se transforme et j’ai des nausées. Mais vomir ne donne pas accès à la fête des mères.

Quelques jours à peine s’écoulent, puis c’est l’écho de datation, routine dans le protocole de suivi génétique. La vessie pleine à exploser, inconfortable au pas possible, je suis fébrile. L’appel, la pièce tamisée, le lit où je m’efforce de ne pas faire pipi. J’ai de la chance, le gel est chaud aujourd’hui, il ne le sera pas toujours. Enfin la sonde et l’image en noir et blanc tant attendu. Je dis noir et blanc, mais… il y a beaucoup de noir. Beaucoup de noir et pas beaucoup de blanc. Beaucoup de noir et beaucoup de silence. Je demande en riant nerveusement: « est-ce qu’il y a quelqu’un? »

« C’est ce qu’on va vérifier madame », qu’on me répond. On va vérifier sous tous les angles, même en passant par le vagin. Qui eut cru qu’un utérus si petit pouvait être le lieu d’une partie de cache-cache. Il y a bien un sac vitellin, mais personne dedans. On m’explique que puisque je suis en bonne santé, on va refaire une écho dans 10 jours, ce serait bien dommage de mettre un terme à une grossesse trop rapidement. Je ne nourris aucun espoir. Il n’y a personne…

Je suis dévastée, j’inonde le bus du retour de tous les fluides de ma tristesse. Au bureau je suis juste en état de choc, comme dans un néant sensoriel. S’ensuit une période de flottement où je vomi. Pour rien. Je ne mange pas de sushi. Pour rien. 10 jours à attendre la suite des choses. Je ne serai pas maman…

Après le diagnostique officiel de la grossesse non-évolutive, je décide de procéder à l’expulsion de tout ce matériel intra-utérin. On appelle joliment ça, un avortement médicamenteux. Je ne veux pas attendre la fausse-couche qui allait éventuellement se produire naturellement. Dans le confort de ma maison, j’ai les premières petites contractions de ma vie. Pas une crampe menstruelle, pas la vraie de vraie affaire. Une quantité de sang à faire tourner de l’œil. Une déception et une tristesse à fendre l’âme. Pourtant, je pleure qui? Je pleure quoi? Il n’y avait même pas un petit tas de cellule. J’ai « juste » perdu un rêve de maternité.

Ma belle-sœur me dira que peu importe le nombre de semaines ou de cellules, j’ai le droit de pleurer et d’avoir de la peine. C’est valide. C’était le plus beau baume sur mon petit cœur. Elle savait de quoi elle parlait, elle aussi. Elle, elle était déjà une maman…

J’ai su avec cette aventure que la maternité, ça allait être quelque chose de vraiment intense, fort et puissant. Je savais à ce moment-là que le projet m’avait englouti tout rond et que j’étais vraiment à la merci de la vie. Ce parcours de maternité me définira comme femme et comme maman. C’est mon parcours de vie. Je me demande encore à quel moment je suis devenue maman. Est-ce que c’est vraiment juste 1 an plus tard, est-ce seulement l’acte d’enfanter qui active ce badge suprême?

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